QUELLES SONT LES CONDITIONS PERMETTANT LA LIQUIDATION D'UNE ASTREINTE FIXEE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF ?
Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 04/08/2021, 428409, Publié au recueil Lebon
QUELLE EST LA PROCEDURE QUI PRECEDE CETTE DECISION ?
En 2017, le Conseil d'Etat a annulé les décisions implicites du Président de la République et du Gouvernement refusant de prendre les mesures et d'élaborer un plan afin de se conformer aux prescriptions de la directive européenne du 21 mai 2008 sur la qualité de l'air. L'objectif de cette directive était d'imposer aux Etats de prendre des mesures afin de ramener les taux de concentration en dioxyde d'azote et en particules fines en dessous de seuils fixé dans l'annexe de cette directive.
A l'occasion de la même décision, le Conseil d'Etat avait enjoint le Gouvernement à prendre toute mesure et à élaborer les plans nécessaires pour respecter les seuils que l'on peut désormais retrouver à l'article R.221-1 du code de l'environnement. Il avait laissé à ce dernier jusqu'au 31 mars 2018 pour exécuter cette injonction du juge administratif.
Or, le 10 juillet 2010, le Conseil d'Etat a constaté, à l'occasion d'une autre décision, que les mesures prises ne sont pas suffisantes. Afin de contraindre de manière plus stricte encore l'Etat à prendre les mesures nécessaires, les juges de la Haute Cour ont fixé une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Néanmoins, le Conseil d'Etat a laissé 6 mois de sursis au Gouvernement pour qu'il se rattrape et prenne les mesures que le droit européen et le droit national exigent.
Cependant, 6 mois plus tard, l'association Les amis de la Terrer qui était la première des requérants dans cette affaire saisit le Conseil d'Etat afin qu'il constate que l'inexécution persiste et qu'il liquide l'astreinte qu'il a fixé.
QUELLES SONT LES REGLES ENCADRANT LA LIQUIDATION DE L'ASTREINTE ?
Dans un premier temps, le Conseil d'Etat rappelle les règles en vigueur qui encadrent le pouvoir d'astreinte du juge administratif.
Les conseillers rappellent leur jurisprudence de principe qui veut que le juge administratif peut, afin d'assurer l'exécution de ces décisions, fixer des astreintes en cas d'inexécution, dans sa décision sur le fond (L.911-3 CJA) ou à l'occasion d'une nouvelle décision qui traiterait spécifiquement de l'exécution d'une autre décision (L.911-4 et L.911-5 CJA). De plus, ils réaffirment que si l'inexécution persiste, en vertu de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, le juge administratif doit liquider l'astreinte. Il peut néanmoins la supprimer, la modérer ou même la majorer.
Cependant, alors qu'il est nécessaire que l'astreinte ait un effet réellement dissuasif pour la partie qui semble vouloir persister dans l'inexécution du jugement, sa liquidation ne peut avoir pour effet d'enrichir de manière complètement infondée la partie adverse. Comme le rappelle le Conseil d'Etat, la juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne soit pas versée au requérant. C'est l'article L.911-8 du CJA qui permet cela. Cet article poursuit en disposant que la partie non-versée aux requérants de l'astreinte est affectée au budget de l'Etat.
Or, dans cette affaire, l'astreinte perdrait son effet utile si le juge condamnait l'Etat à la verser tout en lui permettant d'en récupérer la majorité en application de l'article L.911-8. Permettre à l'association Les amis de la Terre de récupérer 10 millions d'euros par semestre n'apparait pas non plus raisonnable aux yeux des conseillers du Conseil d'Etat.
Les juges suprêmes décident alors que dans ces cas là, la juridiction peut affecter cette astreinte, même d'office, à des personnes morales de droit public disposant d'une autonomie suffisante vis-à-vis de l'Etat et/ou à des personnes morales de droit privé à but non-lucratif à la condition que ces personnes soient chargés dune activité d'intérêt général en lien avec l'objet du litige.
QUE VERIFIE LE JUGE ADMINISTRATIF AVANT DE PRONOCER LA LIQUIDATION ?
Néanmoins, le juge administratif doit vérifier une nouvelle fois que des mesures suffisantes n'aient pas été prises entre le prononcer de l'astreinte et la fin du sursis laissé à l'administration.
En l'espèce, le Conseil d'Etat constate dans un premier temps qu'il reste des zones au sein desquelles il existe encore un dépassement des limite fixées par la directive et le code de l'environnement ou du moins, des zones qui ne peuvent pas être regardés comme présentant un non-dépassement consolidé. En effet, si des mesures des taux de concentration se sont révélées en dessous des seuils, ces mesures anormalement basses correspondent à l'intervention des mesures sanitaires pour lutter contre le covid-19 qui ont eu un effet de réduction drastique de la circulation routière et ont par conséquent fait évoluer à la baisse les taux de concentration de dioxyde d'azote et de particules fines.
Ensuite, le Conseil d'Etat va s'intéresser aux mesures qui ont été prises par le Gouvernement pour faire baisser ces relevés. De manière générale, les juges constatent que le Gouvernent a bien annoncé ou pris des mesures, mais que celles-ci présentent un effet encore incertain et s'insèrent dans un calendrier très étalé ou non précisé. En tout état de cause, elles ne sont pas de nature à permettre une baisse de ces mesures de taux de concentration dans les délais les plus courts possibles comme le Conseil d'Etat l'avait exigé dans sa décision sur le fond.
Le Conseil d'Etat peut paraître particulièrement strict dans le jugement de la politique environnementale du Gouvernement, mais d'une part, la décision dont il est question de vérifier la bonne exécution date de 2017 et, comme l'a rappelé Bruno Lasserre, Vice-Président du Conseil d'Etat, les engagements environnementaux nationaux et internationaux de la France ne sont pas des promesses politiques mais du droit dur dont il revient au juge administratif de veiller à son respect.
A QUI EST VERSEE CETTE ASTREINTE ?
Conformément à ce que le Conseil a rappelé au sujet de la liquidation de l'astreinte, les 10 millions d'euros semestriels devront être partagés entre l'association requérante, des agences publiques autonomes chargés d'évaluer ou d'agir dans le domaine de la protection de la qualité de l'air et quelques associations locales agissant aussi contre la pollution de l'air. La majorité de cette astreinte, c'est-à-dire près de 9 millions d'euros, sera reversée aux agences publiques.
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