HARCELEMENT MORAL : LE JUGE PENAL EST COMPETENT POUR LA REPARATION DU PREJUDICE ?
QUELS ETAIENT LES FAITS DE L’ESPECE ?
Dans l’affaire étudiée, le maire d’une commune de la Réunion était accusé de harcèlement moral sur deux agents. La Cour d’appel de Saint-Denis l’a déclaré coupable de ce délit, ce qu’a confirmé la Cour de cassation par un arrêt en date du 15 mars 2016.
Le tribunal administratif de la Réunion est également intervenu par un jugement du 24 août 2016. Au titre de la protection fonctionnelle, il a condamné la commune à verser des dommages et intérêts aux victimes en réparation du préjudice découlant du harcèlement moral commis par le maire.
Puis au titre de l’action civile, la Cour d’appel de Saint-Denis a statué sur les intérêts civils le 11 février 2019. Elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par le maire tenant à l’irrecevabilité, au sens de l’article 5 du code de procédure pénale, de la saisine de deux juridictions distinctes pour la réparation d’un même préjudice.
L’appelant s’est alors pourvu en cassation et la chambre criminelle a rejeté son pourvoi par un arrêt du 30 mars 2021 (Cass. crim., 30 mars 2021, 17-82.096 et 20-81.516).
LA REGLE « ELECTA UNA VIA » S’APPLIQUE-T-ELLE EN CAS DE SAISINE DU JUGE ADMINISTRATIF ?
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Concernant le premier moyen, le juge précise la porte de la règle « electa una via » inscrite à l’article 5 du code de procédure pénale.
LE PRINCIPE DE LA REGLE
En vertu de cette règle, la victime qui choisit d’obtenir réparation des préjudices causés par une infraction pénale devant les juridictions civiles ne peut saisir les juridictions pénales au titre de cette indemnisation.
En principe, lorsque l’infraction pénale constitue une faute de service d’un agent public, les juridictions administratives sont seules compétentes pour assurer l’indemnisation des préjudices en résultant.
L’EXCLUSION DE SON APPLICATION
La Cour considère que le juge administratif a condamné, sur le fondement de l’article L.2123-34 du CGCT, la commune à réparer les préjudices des requérants, résultant des manquements volontaires et inexcusables du maire à des obligations professionnelles et déontologiques.
Aussi, le juge pénal est compétent pour statuer sur l’action civile des victimes puisque cette procédure n’oppose pas les mêmes parties et que les demandes n’ont pas les mêmes fondements. Il est ici fait application des articles 1240 du code civil et 2 du code de procédure pénale.
De ce fait, le juge considère que l'exception d'irrecevabilité de l'action civile visée à l'article 5 ne peut s’appliquer devant le juge pénal lorsqu’il a été saisi le premier de l'action civile. De plus, l'exception d’irrecevabilité suppose que les demandes aient été portées devant le juge civil et devant le juge pénal. Or en l’espèce, le demandeur à l’action civil a formé un recours devant le juge administratif, hypothèse exclue de l'application du texte.
Donc, lorsque l’infraction pénale constitue une faute personnelle détachable du service, la victime retrouve le droit de solliciter l’indemnisation de ses préjudices devant les juridictions répressives, sur un fondement différent.
EST-CE UNE MECONNAISSANCE DU PRINCIPE DE REPARATION INTEGRALE DU PREJUDICE ?
Au titre de son second moyen, le demandeur au pourvoi estime que les dommages et intérêts accordés aux victimes par le juge pénal méconnaissent le principe de la réparation intégrale des préjudices, au regard de la réparation déjà allouée par le juge administratif.
La chambre criminelle revient sur la condamnation de la commune par le juge administratif en raison d’une faute personnelle du maire détachable du service mais non dénuée de tout lien avec ce service. Cette première condamnation ne peut pas avoir pour effet de limiter la réparation, par la juridiction répressive, du préjudice résultant de cette faute du maire et constitutive d’une infraction pénale. En effet, la première condamnation par le tribunal administratif a pour effet de subroger la collectivité dans les droits de la victime. Donc la réparation du préjudice au titre de l’action civile ne méconnait pas le principe de la réparation intégrale, l’inverse reviendrait à limiter l’appréciation des préjudices des victimes.
De ce fait, le maire jugé coupable de harcèlement moral à l’égard de ses agents peut être condamné sur ses deniers personnels au titre de sa faute personnelle, en sus de la condamnation, par le juge administratif, de la commune au titre de la faute de service.
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