A QUEL MOMENT LE JUGE SE PLACE-T-IL POUR APPRECIER L’ACTION DU TIERS EN DEMOLITION ?
QUELS ETAIENT LES FAITS DE L’ESPECE ?
M. et Mme A. ont obtenu un permis de construire en 2010 pour la construction d’une maison d’habitation.
Une action en annulation du permis de construire a été intentée par une société affectée par cette construction, la juridiction administrative y a fait droit par un jugement du 10 avril 2015, au motif d’une atteinte à la sécurité publique. Dans le cadre de ce recours pour excès de pouvoir, le juge administratif a apprécié la demande au jour de la délivrance du permis. Il a également assigné les consorts A. en démolition et en dommages et intérêts.
Ce tiers a ensuite assigné M. et Mme A. en démolition de la construction litigieuse devant la juridiction judiciaire. A ce titre, la Cour d’appel de Nîmes a condamné les défendeurs à exécuter la démolition par un arrêt en date du 19 décembre 2019. Les consorts A. se sont alors pourvus en cassation mais la Cour de cassation a rejeté leur pourvoi par un arrêt du 11 février 2021 (Civ., 3e, 11 février 2021, n°20-13.627).
QUELLES ETAIENT LES DIFFICULTES D’APPRECIATION DE L’ACTION EN DEMOLITION DES TIERS ?
Les juges d’appel ont accueilli la demande de condamnation à exécution de la démolition en raison d’une appréciation des faits au jour où ils ont statué. En effet, le Plan de prévention du risque inondation approuvé le 28 février 2012, soit après la délivrance du permis de construire, avait classé la parcelle litigieuse en zone inondable rouge.
Les défendeurs au pourvoi contestent cet arrêt en tant que la Cour d’appel aurait dû apprécier la méconnaissance des règles d’urbanisme au jour de l’attribution du permis de construire, comme dans un recours pour excès de pouvoir. Dans cette hypothèse, la zone de la construction ne faisait pas l’objet d’un tel classement en 2010, au moment de l’attribution du permis de construire.
QUELLE SOLUTION LE JUGE DE CASSATION RETIENT-IL SUR L’APPRECIATION DE L’ACTION EN DEMOLITION DES TIERS ?
Par cet arrêt du 11 février 2021, la Cour de cassation rejette le pourvoi de M. et Mme A. Elle rappelle les règles et principes de l’action des tiers en démolition du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme.
D’une part, cette action se limite aux zones mentionnées dans le 1° de l’article L.480-13 du code de l’urbanisme. Cette limite découle de la loi « Macron » du 6 août 2015, elle restreint l'action des tiers aux zones de protection particulière. D’autre part, l’action en démolition intentée par le préfet devant le juge administratif ne connait pas un tel encadrement, elle peut s’exercer à l’encontre d’une construction située en dehors de ces zones.
Le véritable apport de cet arrêt concerne le régime contentieux. En effet, l’action des tiers en démolition dans ces zones de protection particulière doit permettre la conciliation équilibrée entre différents objectifs. Il s’agit d’un côté de l’objectif de sécurisation des projets de construction et de l’autre les objectifs de protection de la nature, des paysages, du patrimoine architectural et urbain ainsi que de la prévention des risques naturels et technologiques.
Au regard de cette double exigence, la Cour de cassation considère que ne pas permettre au juge de se placer au jour où il statue pour ordonner la démolition d’une construction située dans une des zones de protection particulière a sens de l’article L.480-13 précitée constituerait une méconnaissance des objectifs de protection et de prévention.
De ce fait, le juge saisi d’une action d’un tiers en démolition pour méconnaissance des règles d’urbanisme porte son appréciation en se plaçant au jour où il statue.
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