QUELLE APPRECIATION POUR LA DEMANDE DE SUSPENSION DANS LE CADRE D'UNE PREEMPTION ?
Comment est appréciée la demande de référé suspension contre une décision de préemption ?
C'est avec l'ordonnance du Conseil d'Etat du 29 juin 2020 (CE, ord., 29 juin 2020, n° 435502) que la question a été abordée.
En l'espèce, le conseil départemental de Vendée a exercé son droit de préemption par le biais d'une délibération prise au titre des espaces naturels sensibles (ENS) afin d'acquérir des parcelles non bâties. L'acquéreur évincé a alors saisi le juge administratif en vue de faire annuler pour excès de pouvoir cette délibération, puis a saisi le juge des référés de demandes tendant à la suspension de ladite délibération. Ces demandes ont été rejetées par le tribunal administratif. L'acquéreur évincé s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'Etat contre la dernière ordonnance de rejet. Le Conseil d'Etat, saisi d'une telle demande de suspension en référé en a profité pour se prononcer sur les hypothèses où la présomption d'urgence à suspendre une telle décision peut être retenue ou non.
Quelles sont les hypothèses abordées par le Conseil d'Etat sur cette question ?
Le Conseil d'Etat est revenu sur trois hypothèses en particulier :
- "Eu égard à l'objet d'une décision de préemption et à ses effets pour l'acquéreur évincé, la condition d'urgence doit en principe être regardée comme remplie lorsque celui-ci demande la suspension d'une telle décision. Il peut toutefois en aller autrement dans le cas où le titulaire du droit de préemption justifie de circonstances particulières, tenant par exemple, s'agissant du droit de préemption urbain, à l'intérêt s'attachant à la réalisation rapide du projet qui a donné lieu à l'exercice du droit de préemption ou, s'agissant du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles, aux nécessités de l'intervention rapide de mesures de protection de milieux naturels fragiles. "
Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence est en principe remplie si la demande de suspension est formulée par l'acquéreur évincé. Toutefois, si le titulaire du droit de préemption, ici le conseil départemental, fait état de circonstances particulières nécessitant une intervention rapide de mesures de protection sur les parcelles préemptées au titre des ENS, la condition d'urgence n'est alors plus remplie.
- "En outre, lorsque le propriétaire du bien préempté renonce, implicitement ou explicitement, à son aliénation, empêchant ainsi la collectivité publique titulaire du droit de préemption de l'acquérir, l'urgence ne peut être regardée comme remplie au profit de l'acquéreur évincé que si celui-ci fait état de circonstances caractérisant la nécessité pour lui de réaliser à très brève échéance le projet qu'il envisage sur les parcelles considérées."
Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence n'est plus remplie dans le cas d'une renonciation de la part du propriétaire, implicite ou explicite, de son aliénation. Cependant, cette condition d'urgence peut être remplie si l'acquéreur évincé fait état de circonstances caractérisant la nécessité pour lui de réaliser à brève échéance le projet envisagé.
- "Enfin, si la collectivité publique titulaire du droit de préemption ne respecte pas le délai qui lui est imparti par l'article L. 213-14 du code de l'urbanisme pour payer ou consigner le prix d'acquisition, la décision de préemption ne peut plus être exécutée et le vendeur peut aliéner librement son bien, de sorte que la condition d'urgence n'est, en tout état de cause, pas remplie."
Pour finir, la dernière hypothèse abordée par le Conseil d'Etat est celle de la décision de préemption qui ne peut plus être exécutée. En effet, dès lors que le titulaire du droit de préemption n'a pas payé ou consigné le prix de l'acquisition dans le délai de 4 mois fixé par l'article L. 213-14 du code de l'urbanisme, alors le propriétaire du bien peut aliéner librement son bien. La condition d'urgence ne peut donc pas être considérée comme remplie concernant l'acquéreur évincé.
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