DGD TACITE ET MAITRISE D'OEUVRE INTERNE : QUELLE OBLIGATION DE NOTIFICATION ?
Tribunal administratif de Bordeaux, 19 avril 2023, n° 2104148.
Quelle est la procédure d'établissement du décompte général et définitif tacite ?
Quelle est la procédure prévue par le CCAG Travaux ?
L'article 12 du CCAG Travaux du 30 mars 2021 reprend très largement la procédure relative à la détermination du solde financier des marchés publics de travaux issue du CCAG Travaux du 8 septembre 2009 modifié en 2014. Concernant l'établissement du décompte général et définitif tacite, la procédure prévoit la succession de plusieurs étapes :
- 1° : Le maître d'oeuvre établit le projet de décompte général.
- 2° : Le maître d'oeuvre le notifie au maître d'ouvrage qui dispose d'un délai de 30 jours pour le signer à compter soit de la date de demande de paiement finale adressée par le titulaire au maître d'oeuvre, soit de la date de demande de paiement finale adressée au maître de l'ouvrage. Lorsque le projet de décompte général est signé par le maître d'ouvrage, il devient le décompte général.
- 3° : En l'absence de notification du décompte général au titulaire dans le délai précité de 30 jours, ce dernier notifie au maître d'ouvrage avec en copie le maître d'oeuvre son projet de décompte général signé.
- 4° : En l'absence de notification du décompte général au titulaire par le maître d'ouvrage dans un délai de 10 jours à compter de la réception des documents transmis, le décompte général devient décompte général et définitif tacite.
Quels étaient les faits de l'affaire ?
Dans ce jugement n° 2104148 du 19 avril 2023 rendu par le tribunal administratif de Bordeaux, la commune a confié à la société, par contrat, l'enfouissement de ses réseaux téléphoniques et d'éclairage public. La réception des travaux a été prononcée sans réserve le 22 décembre 2020. La société Sobeca a transmis le même jour son projet de décompte final, en intégrant au prix convenu initialement au contrat des frais liés à des sujétions imprévues portant le montant total du contrat à près du double de ce qui était convenu initialement.
Du fait du silence gardé par la commune , la société lui a adressé son décompte général par courrier du 29 janvier 2021. L'administration ayant gardé le silence concernant cette demande de paiement, la société a saisi le juge des référés qui, par une ordonnance du 1er mars 2022, lui a attribué une provision. Le juge du fond s'est prononcé dans ce jugement n° 2104148 du 19 avril 2023.
Quelles sont les positions jurisprudentielles à ce jour ?
Quelle est la position apportée en l'espèce par le TA de Bordeaux et quelle mise en perspective peut-on faire avec la jurisprudence inverse ?
En l'espèce, le maître d'ouvrage était la commune et le DCE précisé que le maître d'oeuvre était composé des services techniques de ladite commune. Le projet de décompte général n'avait été adressé qu'au représentant du pouvoir adjudicateur, c'est-à-dire au maire. Le maître d'oeuvre n'avait pas été mis en copie du projet de décompte général fixé par le titulaire.
Dans cette affaire, le juge administratif a considéré que la notification au seul maître d'ouvrage du projet de décompte général - a priori en violation des stipulations du CCAG Travaux - suffisait à faire naître à l'expiration d'un délai de 10 jours après réception du projet de décompte général, un décompte général et définitif tacite, dès lors que le maître d'oeuvre se trouvait être le service technique du pouvoir adjudicateur qui s'était vu notifier le projet de décompte général, que les missions du maître d'oeuvre n'étaient pas clairement définies dans le contrat et qu'un représentant n'avait pas été clairement identifié.
Cette solution pose problème, notamment vis-à-vis d'un autre jugement rendu par le tribunal administratif de la Martinique, quelques mois plus tôt, le 20 janvier 2023, n° 2200043. En effet, dans cette autre affaire, il avait été jugé que la notification du projet de décompte général au service de la commande publique de la commune, en lieu et place du représentant du Maire ne valait pas notification de ce projet de décompte, et ce alors même que les 2 entités dépendaient de la même collectivité. Le titulaire ne pouvait alors se prévaloir d'un décompte général et définitif.
Ainsi, à l'heure actuelle, il n'apparaît pas de positionnement claire et alignée concernant la notification au mauvais service ou l'absence de notification, au sein de la même commune.
Quelle mise en perspective avec la jurisprudence du Conseil d'État ?
Le Conseil d'État, dans un arrêt du 25 juin 2018 n° 417738, a eu à se prononcer sur le point de départ du délai de 30 jours dont bénéficient le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage pour se prononcer sur le projet de décompte final qui leur a été adressé par le titulaire. En l'espèce, le Conseil d'État a reconnu de façon assez logique que le délai pour établir le décompte général par le maître d'ouvrage n'a pu commencer à courir en l'absence d'une notification du projet de décompte final au maître d'oeuvre. Le délai, à l'expiration duquel peut naître un décompte général et définitif tacite, n'a donc pas pu commencer à courir. C'est cette solution qui semble être la plus logique et devrait s'appliquer au stade de la naissance d'un décompte général et définitif tacite, à savoir qu'en l'absence de notification aux deux entités, à savoir le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, le délai de 10 jours à l'expiration duquel doit naître la décision de décompte général et définitif classique ne pourrait pas courir. Reste à savoir si en cas de Maîtrise d'oeuvre interne à la collectivité une telle double notification est obligatoire ou non ?
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