LA COMPENSATION D’OBLIGATIONS DE SP EST-ELLE COMPATIBLE AVEC LE DROIT DES AIDES D’ETAT ?
SUR QUEL FONDEMENT SONT OCTROYEES CES COMPENSATIONS FINANCIERES ?
D’une manière générale, les concessions de services publics prévoient le versement de compensations financières par l’autorité publique au concessionnaire. Ces compensations permettent d’assurer l’équilibre financier du contrat lorsque le coût du service ne peut porter que sur les usagers.
Le fondement de cette pratique est l’article L.1121-1 du Code de la commande publique qui définit la concession et prévoit la possibilité du paiement d’un prix en sus des recettes de l’exploitation de l’ouvrage ou du service. En principe, la qualification de compensations d’obligations de service public garantit la conformité de ce prix au droit des aides d’Etat, sous réserve de ne pas en faire une qualification trop extensive.
QUEL ENCADREMENT DES COMPENSATIONS D'OBLIGATIONS DE SP PREVOIT LE DROIT EUROPEEN ?
Une interdiction de principe des aides d'Etat
L’article 107 du TFUE pose le principe d’interdiction des aides d’Etat aux opérateurs économiques, la jurisprudence a étendu ce principe aux aides des collectivités territoriales (CJCE, 22 mars 1977, aff. 78/76, Steinike et Weinlig). L’article 106§2 du traité ouvre droit à des exceptions fondées sur le régime des services d’intérêt économique général.
Néanmoins, ces exceptions sont d’interprétation stricte, d’ailleurs une mesure ne peut échapper à la qualification d’aide d’Etat uniquement au titre qu’elle se limite à compenser le coût d’une obligation mis à la charge de l’opérateur économique. En effet, le régime des compensations d’obligations de service public est plus strict.
Des exceptions strictement encadrées
Il s’agit d’abord de savoir si c’est une aide d’Etat au sens de la jurisprudence Altmark (CJCE, 24 juill. 2003, aff. C-280/00, Altmark). La qualification d’aide d’Etat est exclue si la compensation répond à quatre conditions cumulatives :
- Des obligations de service public clairement définies pèsent sur l’entreprise bénéficiaire
- La compensation est calculée sur des paramètres établis de manière préalable, objective et transparente
- Le montant de la compensation ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour couvrir les coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public
- Le montant doit avoir été déterminé sur la base d’une analyse des coûts d’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée, ainsi que d’un bénéfice raisonnable
Si ces conditions ne sont pas remplies, la compensation d’obligations de service public sera qualifiée d’aide d’Etat. Mais certaines aides font l’objet d’un régime d’exemption et sont considérées comme compatibles avec le droit européen de la concurrence, sans qu’une autorisation préalable soit requise.
LES COMPENSATIONS D'OBLIGATIONS DE SP SONT-ELLES NECESSAIREMENT EXEMPTEES DU DROIT DES AIDES D'ETAT ?
Le "paquet Monti" puis le "paquet Alumnia", composés de diverses textes de la Commission européenne, encadrent ce régime d'exemption. Les compensations d'obligations de service public qui n'entrent pas dans les exemptions se voient imposer le droit des aides d'Etat.
Le régime de minimis
D'abord, lorsque l’aide est versée à un opérateur économique chargé d’un service d’intérêt général et qu’elle ne dépasse pas le seuil cumulé de 500 000 euros sur trois exercices fiscaux, elle est légale, conformément au règlement de la Commission européenne (Comm. UE, règl. (UE) n° 360/2012, 25 avril 2012). Aussi, les aides d’un montant annuel moyen de 15 millions d’euros sont compatibles avec le droit européen dès lors que le mandat confié par l’autorité publique à l’entreprise définit précisément les obligations et les mécanismes de définition du montant, en tant qu’il se limite à une simple compensation.
Autre exemption
Les compensations versées au titre de services sociaux par exemple sont exemptées du régime applicable aux aides d'Etat. Elles ne font l'objet d'aucune notification à la Commission, et quelque soit leur montant et du chiffre d'affaires de la structure bénéficiaire. Les seules exigences est qu'un mandat soit intervenu et que l'aide se limite à couvrir les coûts de prestation des services.
QUELLES SONT LES SANCTIONS DU NON-RESPECT DU DROIT DES AIDES D'ETAT ?
La régularité des compensations au regard du droit des aides d’Etat sert l’intérêt de toutes les parties au contrat.
Le risque de la fin du contrat
Le non-respect du droit des aides d’Etat affecte la validité du contrat et peut conduire à sa résiliation (CE, 25 octobre 2017, n° 403335) ou encore à son annulation (CAA Marseille, 6 avril 2016, n° 12MA02987, Sté Corsica Ferries), en cas de recours en contestation de sa validité
La Commission européenne impose également que les aides soient retournées à l’autorité publique. Les autorités nationales ont d’ailleurs l’obligation de récupérer l’aide illégale même en l’absence de constatation de l’incompatibilité par la Commission (CJUE, 5 mars 2019, aff.C-349/17, Eesti Pagar AS). Une telle irrégularité de la compensation est ainsi source d'insécurité juridique.
Les autres risques
Concernant la collectivité, elle risque de voir engager sa responsabilité délictuelle pour la réparation du préjudice commercial d’un concurrent du délégataire au motif de la concurrence déloyale résultant de l’aide d’Etat illégale (TA Bastia, 23 février 2017, n° 1500375, Corsica Ferries).
Concernant le concessionnaire, il risque de voir le contrat remis en cause par la collectivité ou encore que cette dernière lui demande le remboursement de l’aide illégalement versée.
L'exigence de loyauté contractuelle
Au titre du principe de la loyauté des relations contractuelles, le Conseil d’Etat a admis qu’un tel litige relatif au reversement de l’aide irrégulière devait être tranché sur le terrain contractuel (CE, 25 juin 2020, n° 418446, Dpt Seine-Saint-Denis).
Par ailleurs, l’exigence d’effectivité de la récupération de ces aides d’Etat a déjà été utilisée pour écarter les règles relatives au retrait des actes administratifs ou le caractère suspensif du recours en opposition à l’encontre des titres exécutoires.
Ainsi, le financement du service public au moyen de ces compensations doit nécessairement être compatible avec le droit des aides d’Etat ce qui exige une haute vigilance dans la rédaction des contrats et leur exécution.
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