LE DÉLAI CZABAJ S’APPLIQUE-T-IL À L’EXÉCUTION DES CONTRATS PUBLICS ?
Cour administrative d'appel, 3 mars 2025, n°24MA00756
Dans le cadre des relations contractuelles entre les personnes publiques et leurs partenaires privés, il n’est pas rare que des litiges surgissent lors de l’exécution du contrat. La question des délais de recours se pose alors avec une acuité particulière : jusqu’à quand peut-on agir devant le juge administratif pour obtenir réparation d’un préjudice ? La jurisprudence dite "Czabaj", qui impose un délai raisonnable d’un an pour contester certaines décisions administratives, a progressivement étendu son champ d’application. Mais peut-elle réellement s’appliquer aux demandes indemnitaires liées à l’exécution d’un contrat public ?
Dans une décision récente, la cour administrative d’appel de Marseille est venue apporter une clarification bienvenue, en posant une limite à cette jurisprudence. Cette actualité intéressera tout particulièrement les entreprises titulaires de marchés publics ou de délégations de service public, qui peuvent ignorer que leurs actions indemnitaires restent possibles au-delà d’un an.
Le délai Czabaj s’applique-t-il à toutes les décisions administratives ?
Depuis la célèbre décision Czabaj (CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763), toute personne recevant une décision administrative individuelle mal notifiée ou non notifiée doit engager un recours dans un délai raisonnable, en principe d’un an. Cette jurisprudence a été étendue à divers contentieux, notamment celui des contrats administratifs, pour éviter que les tiers ne remettent en cause la validité d’un contrat indéfiniment. Toutefois, cette extension reste encadrée, notamment par des textes spécifiques et les règles de prescription qui prévalent dans certaines situations, comme les contentieux fiscaux ou les litiges indemnitaires (CE, 17 juin 2019, n° 413097 ; CE, 10 juill. 2020, n° 430769).
Peut-on opposer le délai Czabaj à une demande d’indemnisation liée à un contrat ?
Non. La cour administrative d’appel de Marseille a jugé que le délai Czabaj ne s’applique pas aux demandes indemnitaires formulées dans le cadre de l’exécution d’un contrat public. En l’espèce, une société délégataire de service public avait saisi le juge administratif pour obtenir réparation, et l’administration invoquait la tardiveté de cette action, faute de respect du délai d’un an.
La Cour a rappelé que les articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative ne s’appliquent qu’aux décisions unilatérales de l’administration, et non à l’exécution contractuelle. Même si les faits étaient antérieurs au décret du 7 février 2019, celui-ci n’a fait que clarifier une règle déjà en vigueur. En l’absence de clause contractuelle imposant un délai, aucun délai de recours n’avait commencé à courir. La requête de la collectivité publique a donc été rejetée.
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