UN PROTOCOLE PEUT-IL FAIRE REVIVRE UN MARCHÉ PUBLIC ANNULÉ PAR LE JUGE ?
Cour administrative d'appel de Versailles, 30 mars 2025, n°22VE02067
Dans le cadre de la gestion des marchés publics, les collectivités peuvent être tentées de conclure une transaction pour régler un différend après l’annulation d’un contrat. Mais cette solution, bien qu’apaisante sur le plan relationnel, n’est pas sans risque juridique. Une transaction qui vise à compenser presque intégralement un marché annulé par le juge peut être frappée d’illicéité, si elle méconnaît l’autorité de la chose jugée.
C’est ce que vient de rappeler la cour administrative d’appel de Versailles dans un arrêt du 30 mars 2025 (n° 22VE02067), en censurant un protocole transactionnel conclu entre une commune et un prestataire dans le cadre d’un marché annulé pour incompétence.
Une commune peut-elle légalement transiger après l’annulation d’un marché ?
Oui, mais sous des conditions strictes.
L’administration peut conclure une transaction sur le fondement des articles L. 423-1 du Code des relations entre le public et l'administration, 6 et 2044 du Code civil, pour prévenir ou mettre fin à un litige.
Toutefois, trois conditions cumulatives doivent être respectées :
_> L’objet du protocole doit être licite ;
-> Les concessions doivent être réelles, réciproques et équilibrées ;
-> Le protocole ne doit pas porter atteinte à l’ordre public, ni à des principes fondamentaux du droit administratif.
Dans l’affaire jugée, une commune avait conclu un marché de restauration scolaire, pourtant annulé par le juge administratif car la compétence relevait d’un syndicat intercommunal. Malgré cette annulation, la commune a versé une indemnité forfaitaire quasi équivalente à la rémunération prévue par le marché à son cocontractant, par le biais d’un protocole transactionnel.
Cette initiative, bien que motivée par la volonté d’éviter un contentieux, n’a pas résisté à l’analyse juridique de la cour.
Pourquoi une telle transaction est-elle juridiquement illicite ?
Parce qu’elle vise à faire revivre un contrat juridiquement réputé inexistant.
Lorsque le juge annule un marché public, il est considéré comme n’ayant jamais produit d’effets juridiques. Il ne peut donc pas fonder une obligation de paiement. Or, dans ce cas précis, le protocole signé par la commune accordait au cocontractant la quasi-totalité de la rémunération contractuelle, comme si le contrat n’avait pas été annulé.
La cour administrative d’appel de Versailles a estimé que cette transaction méconnaissait l’autorité de la chose jugée, car elle tentait de contourner l’annulation du marché. Elle a également relevé que la société n’avait pas justifié de dépenses réellement utiles à la collectivité, ni du préjudice subi en raison d’une éventuelle faute de la commune. Dès lors, la transaction ne reposait ni sur un fondement quasi-contractuel, ni sur une responsabilité pour faute, mais sur une volonté unilatérale de compenser l’annulation.
En conséquence, la cour a jugé que le protocole était illicite, car il contenait une libéralité déguisée. Il a donc été annulé, rappelant à toutes les personnes publiques l’importance de respecter strictement le cadre juridique applicable aux transactions.
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