Les modes alternatifs de règlement des conflits dans les contrats publics #2
par Héloïse Crépel, juriste doctorante du cabinet Lapuelle
Les procédés de règlement amiable des conflits issus du droit civil sont au nombre de deux :
- L'arbitrage, et
- La transaction
A. L'arbitrage
Principe : l’article 2060 du Code civil [1] interdit le recours à l’arbitrage.
Exceptions : il existe différentes dérogations :
1. L’ordonnance de 2004 relatives aux partenariats public-privé [2] autorise le recours à l’arbitrage pour ce type de contrat [3]. Cette dérogation a été maintenue à l’article L. 2236-1 du CCP [4]. Toutefois, il faut que les contrats de partenariat fassent référence à la loi française (pour les contrats conclus dans l’Union européenne). Il en va différemment concernant l’arbitrage international qui repose sur l’autonomie de l’arbitre par rapport aux ordres juridiques nationaux.
2. En matière de marchés publics pour le règlement des litiges opposant les personnes publiques à leurs cocontractants dans l’exécution financière des marchés publics de travaux ou de fournitures de L’État, des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ainsi que dans les autres cas où la loi le permet.
D’autres dérogations existent en dehors du code, notamment dans le cadre des concessions d’énergie hydrauliques conclues par l’État, et des marchés et concessions conclues par des opérateurs couverts par la Convention de Genève de 1961 sur l’arbitrage commercial international.
L’État ne peut recourir à l’arbitrage qu’avoir avoir obtenu l’autorisation du ministre compétent ou du ministre chargé de l’économie.
Récemment, l’arrêt Fosmax a précisé l’étendue et les modalités du contrôle du juge sur les sentences arbitrales internationales rendues en matière de contrats publics [5] :
- Principe : ces sentences relèvent de la compétence des juridictions judiciaires ;
- Exception : elles relèvent de la compétence du juge administratif lorsqu’il est nécessaire de contrôler la conformité du droit français relatif à l’occupation du domaine public ou à la commande publique.
Qu'en est-il de la transaction ?
B. La transaction
Le Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) contient déjà un chapitre intitulé Transaction dans lequel l’article L.423-1 indique :
« Ainsi que le prévoit l'article 2044 du code civil et sous réserve qu'elle porte sur un objet licite et contienne des concessions réciproques et équilibrées, il peut être recouru à une transaction pour terminer une contestation née ou prévenir une contestation à naître avec l'administration. La transaction est formalisée par un contrat écrit. »
Selon les dispositions de l’article 2044 du code civil :
« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit. »
En principe, la transaction ne fait intervenir aucun tiers extérieur, sauf lorsqu’elle se situe dans le cadre d’une médiation.
Qu’il y ait un tiers ou non, l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics locaux peuvent transiger librement. Toutefois, les établissements publics nationaux doivent obtenir l’autorisation expresse du Premier ministre (article 2045 du Code civil [6]).
Autrement posé, le choix de la transaction peut présenter de nombreux mérites :
- Procédure souple, il est possible d’y recourir à tout stade de ‘instruction, y compris en cassation, sans qu’aucun texte n’ait à le prévoir ;
- Source d’économie tant pour les juridictions que pour les justiciables, qui évitent frais et délais de jugements. En effet, la longueur des délais et la complexité des dossiers sont tant d’éléments qui ont tendance à augmenter les intérêts moratoires dont les parties doivent s’acquitter à l’issue de la procédure. La transaction est une procédure qui permet de passer outre ces obstacles ;
- Moyen d’instaurer le dialogue afin de préserver les intérêts de chacun, mais également d’améliorer les relations entre l’administration et ses usagers, etc.
Le cadre juridique de la transaction est strictement encadré. L’article 24 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 [7] a introduit une dose de collégialité dans la transaction. D’autant plus que l’avis de ce comité est obligatoire à partir d’un certain montant (500 000 euros minimum). La compétence du signataire de la transaction administrative est également un point important.
Les conditions de validité d’une transaction sont au nombre de trois :
1. Elle doit prévenir ou mettre fin à une contestation effective,
2. Elle doit avoir un objet licite. Par exemple, il est impossible de transiger sur :
- La délimitation du domaine publique,
- Les intérêts moratoires dans les marchés publics,
- L’interdiction faite aux communes de renoncer à engager la responsabilité d’un tiers, etc.
3. Elle doit contenir des concessions réciproques et équilibrées. Cela ne veut pas dire que les concessions doivent être équivalentes. Ce principe se fonde sur l’interdiction des personnes publiques de consentir des libéralités [8]. Il est important que la collectivité dispose de compétences précises en la matière pour que la transaction soit réussie, surtout pour ce qui est de l’évaluation des sommes dues en cas de litige indemnitaire.
Finalement, même si en pratique le recours à la transaction reste marginal, celui-ci devrait augmenter par le biais de la médiation. D’ailleurs, le Tribunal administratif de Poitiers a récemment jugé que « l’accord issu d’un processus de médiation est exécutoire de plein droit » [9].
Il nous reste à voir les procédés de règlement amiable des conflits spécifiques au droit de la commande publique : la médiation et la conciliation #3.
[1] Article 2060 du Code civil.
[2] Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.
[3] CE 29 oct. 2004, Sueur et a., n° 269814.
[5] CE 8 nov. 2016, Société Fosmax LNG, n° 388806.
[6] Article 2045 du Code civil.
[7] Article 24 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018.
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