UNE CONCESSION PEUT-ELLE ÊTRE MODIFIÉE SANS NOUVELLE PROCÉDURE D'ATTRIBUTION ?
Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), 7 novembre 2024, "Adusbef", aff.C.683/22
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 7 novembre 2024, clarifie les conditions strictes pour modifier une concession sans recourir à une nouvelle procédure d’attribution. Ces précisions renforcent la sécurité juridique des contrats publics et mettent en lumière les obligations des autorités concédantes.
Quelles sont les modifications autorisées sans publicité ni mise en concurrence ?
La CJUE rappelle que seules certaines modifications spécifiques des concessions peuvent être effectuées sans nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence, conformément à l’article 43 de la directive relative aux concessions. Ces cas incluent notamment les circonstances imprévisibles, c’est-à-dire des situations que l’autorité concédante, même en faisant preuve de diligence, n’aurait pas pu anticiper au moment de l’attribution. Par ailleurs, des prestations supplémentaires devenues nécessaires peuvent également justifier une modification, à condition qu’elles ne changent pas substantiellement la nature du contrat initial.
Cependant, dans l’affaire de l’effondrement du pont Morandi à Gênes, la CJUE a considéré qu’un manquement contractuel du concessionnaire, tel que le non-respect de ses obligations d’entretien, ne peut être qualifié de circonstance imprévisible. En effet, une autorité concédante suffisamment prudente aurait pu prévoir dès l’origine que son cocontractant serait susceptible de commettre de telles erreurs. Dès lors, la modification de la concession dans ce contexte était illégale et ne pouvait pas être validée sur cette base.
Quels sont les devoirs de l’autorité concédante lors d’une modification ?
L’autorité concédante est tenue de respecter une obligation de motivation pour toute modification apportée à une concession en cours d’exécution sans publicité ni mise en concurrence.
Cette exigence découle du principe de bonne administration, établi par le droit de l’Union européenne. Elle a pour objectif de permettre aux tiers, notamment les concurrents potentiels, de comprendre les raisons justifiant une telle modification. En outre, cette transparence permet à toute partie intéressée d’évaluer la légalité de la décision et, le cas échéant, d’introduire un recours. Une modification non motivée serait ainsi potentiellement invalide si elle était contestée devant un juge.
En revanche, la CJUE précise que l’autorité concédante n’a pas à vérifier la fiabilité du concessionnaire lors de la modification de la concession, sauf dans deux cas : lorsqu’une nouvelle procédure de publicité est engagée ou lorsqu’un nouveau concessionnaire remplace celui initialement désigné. Cette distinction reflète la séparation entre les obligations liées à l’exécution du contrat et celles relatives à son attribution initiale.
Les précisions apportées par la CJUE renforcent le cadre juridique strict entourant les modifications des concessions publiques.
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